Francesca De Gottardo

Dans toute entreprise, il est essentiel de mettre en place des relations de travail positives. Mais pour Francesca De Gottardo, cette logique se vérifiait d'autant plus que ses activités se déploient sur deux continents et qu'elle entend apporter une contribution aux communautés locales.

Endelea, son entreprise spécialisée dans la mode éthique, faisait partie des finalistes de l'édition 2021 du Concours FedEx pour les petites entreprises. Aujourd'hui, entre son siège milanais et son atelier basé à Dar es Salaam (Tanzanie), la société emploie au total 28 collaborateurs. Les pièces sont dessinées en Italie, où réside Francesca De Gottardo, puis fabriquées en Tanzanie par des tailleurs et couturiers locaux, à partir de textiles vendus sur les marchés de la région.

« Mon objectif était de créer de la valeur ajoutée en collaborant avec nos équipes tanzaniennes », explique-t-elle. « Nous avons utilisé une partie de nos recettes pour financer des programmes éducatifs en Tanzanie. Ainsi, plus nous vendons, plus nous pouvons avoir un impact sur la collectivité. »

Apporter une contribution au niveau local a toujours été au cœur des préoccupations de Francesca De Gottardo. Comme le souligne l'entrepreneuse, les tailleurs qui travaillent pour Endelea perçoivent une rémunération qui est supérieure de 96 % au salaire moyen en Tanzanie, sans compter qu'ils bénéficient également d'une assurance santé. Par ailleurs, l'entreprise prend en charge leurs frais de transport domicile-travail et propose des déjeuners gratuits.

Malgré les avantages proposés, il n'a pas toujours été facile de trouver suffisamment de tailleurs dotés de l'éthique de travail et des compétences requises. En Tanzanie, les professionnels de la confection n'exercent pas à temps plein. Alors qu'elle ébauchait son projet d'entreprise, Francesca De Gottardo a découvert que l'université de Dar es Salaam ne proposait aucun cursus dans la mode. « J'ai rencontré une femme tailleuse et je lui ai demandé si elle pouvait m'aider à recruter d'autres profils similaires au sien », explique-t-elle. « Nous employons actuellement des tailleurs expérimentés que nous avons trouvés grâce au bouche-à-oreille. Certains ont fréquenté l'université, tandis que d'autres ont fait une école de couture. Nous les avons d'abord embauchés en tant que stagiaires. »

Certains tailleurs d'Endelea ont commencé par faire un stage dans l'entreprise, où ils ont progressivement appris et perfectionné leurs compétences. « Je suis ravie que nous soyons parvenus à créer un tel environnement où les professionnels peuvent développer leur savoir-faire et s'enrichir mutuellement. »

Grâce aux efforts déployés par l'entrepreneuse pour mettre en place des relations professionnelles de confiance, Endelea a conquis plus de 2 800 clients et enregistré, en 2022, une croissance de 140 % en glissement annuel. Le premier marché de l'entreprise est l'Italie, suivie de l'Allemagne, la France, la Belgique et les Pays-Bas. Et Endelea projette de lancer la commercialisation de ses produits aux États-Unis en fin 2022/début 2023.

Découvrez ici les trois conseils qu'elle souhaite prodiguer après avoir elle-même réussi à mettre en place de solides relations de travail dans un nouveau marché qui lui était pourtant inconnu.

L'entrepreneuse avait prévu de retourner en Tanzanie au printemps 2020 afin de superviser la production d'une nouvelle collection. Mais trois mois seulement avant la date de lancement officiel d'Endelea, un confinement a été décrété en Italie en raison de la pandémie de Covid-19. Bloquée chez elle, à Milan, Francesca De Gottardo n'a donc pas pu se rendre à l'atelier d'Endelea. Elle n'a eu d'autre choix que de s'en remettre à la nouvelle équipe de Dar es Salaam et de les laisser travailler sans sa supervision.

« Je leur ai envoyé les patrons papier et nous avons organisé de nombreuses visioconférences sur WhatsApp pour expliquer comment les pièces devaient être confectionnées », se souvient-elle. « Ce sont eux qui ont créé toute la collection. Ils ont fait un travail incroyable. » Se félicitant que l'équipe ait réussi à fabriquer les vêtements sans elle, la jeune femme a décidé de créer une entreprise au nom d'Endelea en Tanzanie, en s'associant à Rose Minja, l'une des tailleuses.

Travailler avec des tailleurs locaux s'est révélé assez complexe. Francesca De Gottardo s'est rapidement rendu compte que les différences entre les cultures du travail italienne et tanzanienne posaient quelques difficultés. « Dans un pays comme la Tanzanie, il est très difficile de travailler avec des tailleurs à plein temps », souligne-t-elle. Ces professionnels exercent généralement en tant que freelance depuis chez eux. Par conséquent, le fait de devoir respecter des horaires de travail, de faire partie d'une équipe ou d'être contrôlés sur la qualité de leur travail était un concept inédit et différent pour eux. Par conséquent, certains n'étaient pas satisfaits et sont partis.

Pour encourager les tailleurs à s'adapter à ces modes de travail, l'entrepreneuse et sa partenaire ont mis en place des mesures incitatives. Ainsi, la société proposait uniquement le déjeuner gratuit à ceux qui arrivaient à l'heure à l'atelier, et un système de gratification a également été mis en place. « Nous avons fait en sorte de développer leur sens des responsabilités, et nous avons progressivement mis en place une éthique de travail. Les collaborateurs sont restés et ils s'entendent tous très bien. »

Francesca De Gottardo entend bien développer son activité et collaborer sur d'autres projets éthiques. Mais au fur et à mesure de sa croissance, Endelea doit faire appel à davantage de tailleurs expérimentés pour confectionner ses pièces. Or aucun des candidats recommandés par les organismes caritatifs avec lesquels l'entrepreneuse souhaitait collaborer n'a répondu aux critères de qualité d'Endelea. Pour surmonter cet obstacle, l'entreprise a donc lancé un programme d'insertion professionnelle à l'atelier de Dar es Salaam.

« Nous avons collaboré avec un organisme à vocation sociale dénommé le Mabinti Centre. Géré par l'hôpital de Dar es Salaam, il s'adresse aux femmes ayant été opérées d'une fistule », explique Francesca De Gottardo. « Elles savent déjà coudre mais ne connaissent pas nécessairement les normes internationales. L'idée est de proposer à une des femmes de Mabinti de travailler avec nous. Elle perçoit la même rémunération que nos tailleurs et cette expérience lui permet de découvrir nos modes de travail, tout en apprenant auprès de ses collègues. Et au bout de deux mois, elle retournera au Mabinti Centre et nous accueillerons quelqu'un d'autre. »

Ce programme a déjà fait ses preuves, selon Francesca De Gottardo, et l'objectif est de former toutes les femmes en provenance du centre, ce qui permettrait à chacune de commercialiser leurs propres produits en dehors de Tanzanie. L'initiative présente également un intérêt pour Endelea, qui peut ainsi élargir son vivier de talents dans la région. « L'objectif serait ensuite de proposer à d'autres organismes de collaborer avec nous de cette manière. J'ai à cœur de transmettre notre savoir-faire », souligne-t-elle.